Aujourd'hui, un article très personnel et légèrement énervé. Personnel, car c'est d'une partie de ma vie dont je vais vous parler, une partie de ma vie qui m'a marquée au fer rouge, qui m'a longtemps hantée, moi et ma famille. Mais avant de vous dire de quoi il s'agit, mon avis n'engage encore une fois que moi, vous pouvez le critiquer, mais honnêtement, sur ce sujet, j'en ai rien à carrer.
Ces derniers temps, la parole d'une grosse partie de la population se libère sous l'effet des révélations faites sur le producteur de cinéma Hollywoodien qui auraient abusé de son influence sur plusieurs actrices et abusé des plus fragiles. Bon, vu la tête du gars, il ne respire pas la pudeur ni la bienséance et vu le nombre d'accusation, on est en droit dire que le monsieur est loin d'être un saint. Ce qui m'agace légèrement beaucoup, c'est l'avalanche de témoignages de victimes et pire de personnes connaissant les pratiques de ce monsieur et qui n'ont rien dit. De même pour les gens qui en rigolaient comme si l'abus de pouvoir, et l'abus sexuel, était une chose nécessaire et légale sur les femmes pour que celles-ci parviennent à une réussite professionnelle. Parce qu'on va être honnête, ce genre de pratique est plus que courante dans la société moderne d'aujourd'hui. Même si les gouvernements ont accordé le droit de vote aux femmes, le droit de disposer de leur corps, de leur argent, de leur vie comme elles le souhaitent, la société, elle, ne l'a pas encore accepté. Si sur le papier, l'égalité des sexes est quasiment acquise, encore que ..., dans la réalité, la femme reste un faire valoir, un accessoire de beauté, de réussite sociale. Bien sûr, ce n'est pas une généralité pour tout le monde, mais quelle femme ne s'est jamais entendue dire " oh mais, t'es une femme hein, donc ... ! ". Tout cela pour dire que, malgré les efforts, malgré les articles des constitutions, malgré les lois, la femme, le genre féminin reste une proie, un acquis, et l'homme, le genre masculin reste un prédateur, un possesseur. Alors quand le monde s'insurge sur les pratiques d'un producteur pervers, là, je dis arrêtez de vous foutre de la gueule du monde cinq minutes. Surtout que c'est loin d'être une nouveauté.
En tant que femme, j'ai subi ce genre d'abus, lorsque j'étais enfant, lorsque je suis devenue femme. À l'âge de 5 ans, on a abusé de mon corps, moi, ainsi que d'autres femmes de ma famille et d'autres inconnues. Longtemps, le silence était de mise jusqu'au jour où la parole s'est fait entendre et le monde s'est insurgé. De là, la colère s'est installée ainsi que le jugement. Oui, le jugement. Car ce qui ressort le plus dans ces affaires, c'est la honte des victimes. La honte de ne pas avoir consenti une relation sexuelle, la honte d'avoir été abusée, la honte de ne pas parler. La culpabilité de n'avoir rien dit et de voir d'autres personnes victimes de la même agression. Le jugement des "non-victimes", l'entourage, est parfois tout aussi dommageable que l'agression en elle-même. On culpabilise la victime d'avoir été victime et de ne pas réagir comme elle le devrait. Quand on se fait agresser, on porte plainte. Une victime qui ne porte pas plainte n'est au final pas victime. Moi, je n'ai pas porté plainte. Pas parce que j'avais honte ou que je me sentais plus forte que le reste des victimes, comme je me le suis entendue dire, mais parce que la reconnaissance de mon agression ne venait pas de l'approbation ou non de la société, de la justice, sur cette agression, mais de sa reconnaissance de l'agresseur. Je ne voulais que voir mon agresseur reconnaître que ce qu'il avait fait était mal, que c'était lui qui avait un problème et non moi. Moi qui l'avait excité. Moi qui l'avait perverti. Moi qui aurait provoqué cet abus. Comme si de tous les crimes et délits, le viol était dû aux agissements de la victime, au comportement de la victime. Un voleur vole parce qu'il est envieux ou cupide. Le tueur tue parce qu'il aime le sang ou la violence. Mais le violeur viole parce les femmes sont excitantes ou manipulables, ou même envieuses. "Elle s'est faite violer mais en même temps, tu as vu comment elle est habillée ?", " C'est comme un rite de passage, il faut bien y passer", "En même temps, elle a bien eu sa promotion !". Je pense sincèrement que je n'ai pas besoin que la justice, que la société reconnaisse que j'ai été abusée. Le fait que mon agresseur m'est regardé et avoué que c'était lui le problème, lui et lui seul, le problème, je me suis sentie libérée. " Je suis désolé d'avoir fait ça ". De là, j'ai accepté. Mais ce sentiment n'implique que moi. Chacun réagit comme il réagit. Chacun panse ses plaies comme il le peut.
Après, je comprends ce mouvement de libération de la parole, il faut parler de toute agression, mais en parler aux services compétents. On est beaucoup de femmes à connaître ou avoir connues des situations de harcèlement, mais je pense sincèrement qu'en faire étalage sur les réseaux sociaux n'est pas la solution. En plus des dénonciations parfois non fondées, on voit aussi un déferlement de haine, compréhensible mais inutile. C'est d'une prise de conscience collective. Alors oui, il est plus facile de parler à un écran que face à face, mais il est plus salvateur de dire les choses oralement.
Et en tout honnêteté, il va durer combien de temps votre hashtag? Une semaine ou deux, le temps qu'un autre scandale se fasse entendre, qu'une autre mode prenne la place. Je vois bien la bonne volonté de l'action mais pour moi, le combat de la liberté de la femme ne passe pas par là.
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