Et au bour du tunnel

L'avantage d'avoir des très bons photographes sous la main
J'attaque mes deux derniers mois de grossesse. C'est à dire que d'un moment ou un autre, je peux accoucher. Une chose qui ne me dérangerait absolument pas à l'heure actuelle, enfin si cela ne mettait pas la vie de ma fille en potentielle incertitude. Je n'ai jamais été aussi proche de la fin, et ma patience atteint son paroxysme. Dans mon précédent article, je vous disais à quel point il était merveilleusement chiant d'être enceinte, avec tous les petits désagréments liés à la grossesse. Je vous rassure, je suis toujours autant convaincue qu'on idéalise bien trop la situation de la femme enceinte, tant émotionnellement que physiquement. A l'orée de cette nouvelle vie qui nous attend, on commence à se préparer de plus en plus niveau matériel avec le papa. Et on ne parle quasiment que de l'arrivée notre petite future princesse, et de comment la reine mère, moi, va s'en foutre une bonne avec un repas riche de tout ce qu'elle s'est privé de manger et surtout boire.
Avec une démarche de pachyderme si gracieuse, une humeur en dent de scie et une vitalité au bord du suicide, je commence à percevoir le bout du chemin. Mais comme je pèse bien quatorze kilo de plus essentiellement concentrés sur mon ventre, je ne peux pas courir jusqu'à la ligne d'arrivée. Et le stress du grand jour se profile. Comment cela va se déclencher ? Quand cela va se déclencher ? Est ce que cela va bien se passer ? Est ce que je vais passer par la césarienne ? Autant de questions qui se font de plus en plus présentent dans ma tête, et que seule la suite des évènements y répondra. Mais la question qui est la plus présente, c'est quand même est ce que je vais supporter la douleur ? J'ai choisi de ne pas avoir de péridurale sauf si cela s'avère nécessaire pour ma santé et celle de ma fille. Je sais bien que mon corps est fait pour encaisser cette douleur mais à force d'entendre " pourquoi tu t'en priverai franchement c'est pas dramatique", " Attends tu verras quand tu y seras, tu feras comment tout le monde" ou " c'est comme si on te lacérait tous tes muscles et qu'on te les réduisait en bouillie". C'est tellement encourageant. Le problème, aujourd'hui, c'est que pour trouver le témoignage d'une femme ayant accouchée sans péridurale, c'est quand même assez difficile et les gens ne sont pas très enthousiastes quand je partage cette envie de supporter jusqu'au bout l'arrivée de ma fille. Il faut dire que cette envie est réfléchie depuis un certain temps, bien avant de tomber enceinte, je n'ai jamais pensé à accoucher avec cette anesthésie locale. Pas par peur de l'aiguille, même si c'est vrai qu'elle a l'air un peu grosse, ni parce que j'aime souffrir, non, c'est surtout dans l'esprit de savoir ce que c'est de mettre au monde un enfant. Peut être la peur de ne pas sentir mon enfant naitre, d'être "coupée" de mon enfant. Je ne sais pas. Peut être une sur-estime de ma force aussi, mais je pense sincèrement être assez blindée pour supporter cette douleur dites si insupportable. Enfin, je l'espère fortement ! C'est quand même ce qui me stresse le plus dans la suite des évènements. Pour mon chéri, c'est plus le coté pratique du jour J qui le stresse. Le temps du trajet, l'endroit où il faut me déposer une fois arrivés à l’hôpital, avoir préparer la valise et l'avoir directement dans la voiture pour être sûr de ne pas être en panique quand notre fille aura décidé de pointer le bout de son nez ... Sur ce sujet là, par contre, les témoignages de notre entourage me font beaucoup rire. Les histoires de papas perdus, de papas déboussolés et de mamans qui donnent les directives entre deux contractions, ça, j'avoue ça me fait beaucoup rire. L'idée de voir mon homme si fort et, il faut l'avouer enclin à tout tourner à la rigolade, complètement perdu ou au contraire être le pilier que j'aurai besoin me tarde grandement. Il faut savoir qu'on est tous les deux de grands nerveux, et la perspective de l'accouchement nous permettra de voir à quel point nous le sommes. Heureusement, notre sage femme nous vend super bien la chose. J'ai choisi d'avoir une préparation à la naissance en haptonomie. Un mot barbare pour une pratique basée sur l'écoute, la communication et l'affect autour du futur être humain. Les premières séances étaient construites autour de notre perception de notre enfant. Mon chéri n'étant pas très réceptif, j'ai commencé à avoir de doutes sur ce choix d'une autre approche, mais je me refusais à aller à des cours "collectifs", n'étant personnellement pas enclin à partager avec d'autres futures mamans ce moment. Et puis, on est rentré dans le vif du sujet depuis peu. Les conseils pour accepter la douleur, des conseils pour préparer mon corps à encaisser, des conseils pour que mon chéri puisse m'aider tant bien que mal dans le marathon que l'on vivra dans quelques semaines maintenant. Elle commence à nous expliquer les différentes phases du travail, ce qui a eu pour effet de me rassurer totalement, enfin presque, sur ma gestion de la douleur. Il faut être honnête, l'idée de souffrir fait toujours peur même si on est plus que préparé à son intensité et à sa durée. A l'heure actuelle, je suis plus pressée que stressée. Je sais qu'il ne me reste plus longtemps à attendre, échouée sur mon canapé avec mon cahier de dessin. Le plus dur étant de profiter des derniers moments de vie à deux, notre anniversaire de rencontre se profilant, sept années quand même, je désespère de pouvoir faire le repas traditionnel que l'on s'octroie avec mon homme, généralement arrosé de whisky et de vin. On se contentera d'un bon repas et seul lui boira à notre amour, moi me contentant de lui faire prendre forme.
Mais tous ces désagréments sont effacés ou plutôt estompés lorsqu'on est tous les deux béats de bonheur à regarder mon ventre se déformer sous les coups et les changements de position de ma fille. La réaction qu'elle a lorsque mon chéri lui fait des bisous et lui parle à travers mon ventre. Et puis la dernière échographie qui nous a montré une reconstitution 3D de son visage. Même si c'est très mais alors très approximatif, on commence à débattre sur l'hérédité de caractéristiques morphologique de notre princesse, "elle va avoir le nez de ta mère", "elle a les fossettes de la tienne" alors que la seule chose qui est réellement vrai, c'est qu'elle va avoir pas mal de cheveux. Nous n'avons qu'une seule idée en tête : voir enfin le fruit de ces neufs longs et interminables mois de changements, de privations, de découvertes et pouvoir enfin tenir la plus belle chose que deux êtres humains peuvent faire ensemble.
 

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